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Le débat café-philo page 3Contribution à l'histoire du mouvement des cafés-philo poitevin 1989 1997par Jean-François Chazerans
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J'ai soutenu ma maîtrise en 1989. Suite à mon mémoire, sur les conseils de Pierre Pellegrin (1), j'ai rédigé et réussi à publier dans la Revue Philosophique de France et de l'étranger (décembre 1990) un article sur la substance composée chez Leibniz. Cet article me permettait, je croyais, de satisfaire deux exigences. D'abord pousser ma réflexion sur le point de vue qu'avait Leibniz sur la communication des substances, communication physique mais surtout intellectuelle. Sans entrer trop dans les détails, il me paraissait que Descartes en distinguant seulement deux substances, pensée et étendue, n'arrivait à rendre compte des rapports entre ces deux substances et surtout prenait comme un fait établi la communication intellectuelle entre les esprits. La philosophie de Leibniz avait donc, pour moi, comme tâche de combler ces "hiatus". Le second aspect était que, par cet article, je prenais part au débat intellectuel, à la communication des esprits. Il faut le dire j'ai un peu été déçu car je m'attendais à recevoir des réponses qui m'auraient permis de mettre en place des liens avec certains spécialistes de Leibniz, j'ai attendu, en vain. Lors de cette attente, j'ai eu l'opportunité d'exercer le métier de professeur de philosophie (Les remplacements étaient plus faciles à obtenir qu'aujourd'hui). Durant quatre ans j'ai eu la possibilité d'analyser et de mettre en pratique la "communication des esprits" qui se met en place dans cette relation pédagogique professeur-élèves. On arrive très rapidement à se rendre compte de ce que le professeur donne aux élèves car tout est fait pour codifier cet aspect-là mais que donnent les élèves en retour au professeur ? Il y a bien quelques bribes de réponse dans le Banquet de Platon mais cet aspect-là est plutôt en friche. Au fond mes recherches tournaient autour de, disons, l "échange des savoirs", et celui-ci a été et est encore basé actuellement sur deux aspects : a) L'échange des savoirs dans les domaines spécialisés, exclusivement dans les sciences qui plus est, les sciences dites dures. C'est l'apport de l'épistémologie qui étudie la démarche scientifique, c'est-à-dire en particulier les théories scientifiques (presque exclusivement les théories physiques) dans leurs rapports avec les théories scientifiques (par exemple, Karl Popper, Logique de la découverte scientifique, Gaston Bachelard, L'activité rationaliste de la physique contemporaine). b) L'"échange" des savoirs entre spécialistes et non spécialistes, par exemple les scientifiques dans leurs rapports avec les non-scientifiques. Cet échange a lui même deux aspects, l'information et la formation. L'information utilise les conférences et les médias, il s'agit le plus souvent de vulgarisation. La formation se fait en particulier au sein de l'éducation nationale et est le fait des professeurs. Ces deux aspects sont partiels car échanger c'est céder moyennant contrepartie, se faire des communications réciproques de choses de même genre (Petit Robert). Le problème dans le premier des deux aspects de l'échange des savoirs que nous venons de définir, c'est que, s'il semble véritablement y avoir échange, cet échange est circonscrit à l'intérieur des savoirs, disciplines ou sciences. Il n'y a pas (ou très peu) de transdisciplinarité et surtout, vu le niveau de spécialisation, ce n'est pas une relation avec les non-spécialistes. Ce n'est pas, pour moi, l'échange entre spécialistes d'une même discipline qui fait, pour moi, avant tout problème, mais entre les spécialistes des différentes disciplines. Et on ne peut pas commencer par là, ce n'est pas encore ce qui est primordial. Peut-être faudra-t-il en arriver à s'interroger sur cet échange transdisciplinaire entre spécialistes, mais je pense qu'il faut d'abord s'interroger sur les échanges de savoirs entre spécialistes et non spécialistes. Le deuxième aspect, formation et information, le permet-il ? Pas vraiment puisqu'il ne s'agit pas, à proprement parler d'échange, c'est-à-dire de relation réciproque. La vulgarisation scientifique au travers des médias, conférences, et les cours dispensés dans le système scolaire ne sont pas des échanges de savoirs puisque c'est unilatéral. Il semble même essentiel à ce type de relation que, contrairement au spécialiste ou au professeur, le non-spécialiste ou l'élève n'ait pas de savoirs à apporter en retour. Car cette relation de vulgarisation ou pédagogique s'insère de prime abord, soit dans une relation de pouvoir donc par définition non-réciproque, soit, seulement en ce qui concerne la relation pédagogique, dans une relation réciproque où l'élève apporte en retour autre chose qu'un savoir, quelque chose d'un genre différent. Par exemple la relation de pouvoir peut être analysée à partir de l'" Allégorie de la caverne " (Platon, République, Livre VII), où les prisonniers (non-spécialistes, élèves) sont manipulés par les "montreurs de marionnettes" (spécialistes, éducateurs), et la relation pédagogique avec réciprocité peut-être analysée à partir du Banquet de Platon, où il semble clair que le maître donne son savoir et l'élève donne son corps en retour, il s'agit bien d'un échange mais pas d'un échange de savoirs. Je pensais donc qu'il faudrait essayer de faire une sorte de révolution copernicienne : centrer l'analyse et la réflexion sur les rapports entre les non-spécialistes et les savoirs et surtout sur les rapports des non-spécialistes entre eux en ce qui concerne l'échange de leurs savoirs. Deux questions se posent alors : 1) peut-il exister d'autres façons de "vulgariser" qui soient indépendantes de la relation de pouvoir ? 2) Peut-il y avoir des savoirs échangeables entre non-spécialistes ? C'est par rapport à ces interrogations, très floues à l'époque, que le débat philosophique du Gil bar (2) a vu le jour le 29 novembre 1995. J'avais rencontré Marc Sautet aux premières journées philosophiques de Vouillé (3), en août 1994 (4). Sachant que j'étais Maître auxiliaire de philosophie (5), il m'avait dit : "abandonne l'enseignement, monte un cabinet de philosophie !". Ayant un poste de maître auxiliaire en septembre 1994, je n'ai pas eu le temps de m'y consacrer. Par contre, m'étant retrouvé au chômage à partir de septembre 1995 (plus de postes pour les maîtres auxiliaires !), je suis allé, à la fin de ce mois, participer aux débats de philo qui avaient lieu à Paris lors des "bistrots en fête". Je n'ai pas pu rencontrer Marc Sautet car il y avait foule mais je lui ai écrit pour lui dire que je souhaiterais monter un café-philo sur Poitiers. étant donné qu'il devait venir faire une intervention sur Poitiers mi-novembre (6), il m'a téléphoné et on s'est rencontré pour jeter les bases de ce nouveau débat. Il ne me restait plus qu'à trouver un café suffisamment spacieux, éclairé et accueillant. Après une longue et éprouvante tournée des cafés, nous avons choisi le Gil bar qui satisfaisait à toutes les conditions requises. Caroline, la patronne, n'a pas fait de difficultés, bien au contraire, comme je doutais quand même pas mal et que ça ne semblait pas vraiment gagné d'avance, elle m'a dit avec gentillesse : "on peut essayer, on verra bien !". Le temps de prévenir mes connaissances et de poser quelques affiches, et une semaine après, donc le 29 novembre 1995, c'était la première (7). Les débats sont hebdomadaires (sauf vacances scolaires) et attirent entre 20 et 40 participants. Leur fonctionnement est le suivant. Par expérimentation, nous en sommes arrivés à respecter quelques règles générales qui permettent leur bon déroulement. Le sujet n'est pas choisi à l'avance mais en début de séance, les participants proposent des sujets et l'animateur en choisit un, soit tout seul, soit avec l'aide de l'assistance. Cela permet d'éviter deux dérapages : que l'animateur soit considéré comme un spécialiste prêchant la bonne parole, les participants venant assister à une sorte de "cours" n'ayant plus qu'à se taire ; de parler d'un sujet sur lequel une véritable réflexion philosophique n'est pas possible. Bien qu'il soit difficile de circonscrire une telle sorte de sujets, peut-être est-ce notre déformation professionnelle ou alors c'est la nécessité qui s'est faite sentir quasi-immédiatement de se distinguer des débats médiatiques du style Dechavanne ou Delarue (Ca se discute), qui nous fait considérer que certains sujet sont à proscrire. Car, avec le recul, on peut considérer que si certaines questions, telles que pour ou contre la peine de mort - l'avortement, etc. peuvent permettre une réflexion philosophique, nous sommes assez mal à l'aise avec certaines autres telles que pour ou contre la minijupe, les hamburgers, etc. Les sujets traités sont ainsi dans l'ensemble des sujets de "terminale" : Pour vivre heureux faut-il vivre seul ? La paix est-elle possible sur terre ? L'enfer est-ce vraiment les autres ? Faut-il chasser les poètes de la cité ? L'amour rend-il aveugle ? Les animaux sont-ils intelligents ? Le travail rend-il libre ? etc. Mais là aussi ces choix se sont opérés peut-être pour rassurer l'animateur, car progressivement les questions posées sont sorties du cadre "scolaire". Jusqu'à présent j'ai essayé, sans trop savoir si c'était nécessaire, d'ouvrir un maximum l'éventail des sujets abordés plutôt que de parler plusieurs séances d'affilé du même sujet ou de sujets approchants. Ceci est à mettre en rapport avec le fait que les débats durent deux heures, ce qui a été choisi tel arbitrairement au tout début et qui s'est révélé progressivement être acceptable car ce n'est ni trop court ni trop long. On pourrait débattre de certains sujets durant toute la nuit et même plus mais je pense qu'il faudrait supporter les longues heures durant lesquelles on tournera autour du pot. Le fait que ce soit limité oblige à aller plus directement à l'essentiel. Ce qu'on remarque c'est que souvent, un quart d'heure avant la fin, le débat s'enflamme et on est obligé de s'arrêter en plein bouillonnement, comme s'il y avait des choses importantes à dire avant que ça finisse mais qu'il ne fallait pas qu'on ait le temps de les mettre à plat. D'autre part la brutalité de cet arrêt est contrebalancée par la périodicité du rendez-vous. On coupe peut-être court à une nuit de débats mais on sait qu'on en reparlera, le plus souvent sous un autre angle, ce qui fait qu'on ne peut considérer les débats seulement dans leur singularité, il faut peut-être considérer que l'ensemble des débats est aussi un débat. Les règles de la prise de parole sont aussi très simples, celui qui a proposé le sujet choisi peut prendre la parole à tout moment et ceux qui n'ont pas encore parlé ont priorité sur ceux qui ont déjà parlé. La première des de ces deux règles est peut-être désuète car le sujet est rapidement accepté par l'ensemble des participants comme leur affaire propre et non pas comme la propriété d'un seul. Au fond ce n'est pas le sujet que celui qui le propose défend mais, comme tous les autres participants, sa propre thèse ou plus précisément la mise à plat de son incompréhension du sujet. La seconde règle est beaucoup plus importante, elle permet aux participants, comme le fait remarquer justement Michel Tozzi (8), d'avoir la parole au moment où ils vont la demander ce qui fait qu'ils n'auront pas à se jeter immédiatement dans le débat, ni à prévoir à l'avance leur intervention, cela augmentant le plus souvent la pertinence de ce qu'ils vont dire. Quant à l'animateur son rôle se borne à faire respecter ces règles et à distribuer la parole bien que cette dernière se distribue la plupart du temps toute seule. Contrairement à ce que j'ai vu au café des Phares à Paris (9), où il y avait beaucoup de monde et des micros, je constate qu'il se met en place, assez souvent, un réel débat entre les participants. On s'en aperçoit quand l'animateur devient progressivement un participant comme les autres et que les réponses suivent "naturellement" les questions. Il me semble que la présence d'un micro gênerait certains intervenants, c'est déjà difficile pour eux de se mettre en avant et de parler à un groupe. D'autre part avec le micro, et c'est plus dommageable, les réponses ou les interrogations sur ce qui est dit, sont en différé, si bien que dans le meilleur des cas on assiste à plusieurs débats très confus, et dans le pire, à une juxtaposition d'avis personnels. Mais il n'y a pas en ce domaine, il me semble, de solution miracle car lorsqu'il y a trop de monde et du bruit dans le café, on ne s'entend plus. Dans ce cas, comme dans les autres dailleurs, on ne peut le plus souvent que décider au coup par coup. A partir de janvier 1996, à la demande de l'Office du Tourisme de Vouillé (10), j'ai mis en place un café-philo au bar le Banjo. Les débats avaient lieu le dimanche après midi de 17 à 19 heures et réunissaient entre 5 et 15 personnes. Dans la foulée, j'ai co-organisé les journées " philosophie pour tous " de Vouillé qui ont eu lieu les 20-21-22 septembre 1996 (11). Ces journées avaient pour but de "vulgariser" la philosophie auprès d'un public de non-spécialistes. Mais pour diverses raisons, en particulier à cause du fait qu'il est difficile de mettre en place autre chose que des conférences ce qui est révélateur du pouvoir que les spécialistes exercent sur les "couillons du coin", j'ai abandonné et l'animation du café-philo et l'organisation des journées philo depuis octobre 1996. A partir d'avril 1996, nous avons partagé l'animation des débats avec David Sawadogo, ou plutôt nous avons amélioré l'animation : d'une animation conjointe dans laquelle David était toujours dans la salle et moi toujours au "comptoir", nous sommes passés à une animation conjointe dans laquelle nous passons une semaine dans la salle lorsque l'autre est au comptoir et inversement.. Ce petit changement nous a permis d'engager une réflexion sur l'" animation " et l'" animateur ". Nous nous sommes aperçus que l'animateur d'un débat de café est le plus souvent considéré par des observateurs extérieurs et même par des participants intérieurs, en comparaison avec des activités proches, le plus souvent avec le professeur ou le conférencier. Or il semblerait quil y ait quelques différences car je pense que ce qui pourrait avoir changé avec les cafés-philo, ce n'est pas la philosophie, c'est la figure même du philosophe. Habermas écrivait il y a déjà longtemps : "Le but des présentes réflexions n'est pas de prononcer l'oraison funèbre de la philosophie, mais d'explorer quelles sont les tâches qui aujourd'hui incombent légitimement à la pensée philosophique après non seulement la fin de la grande tradition, mais aussi, dans mon esprit, après la disparition d'un style de pensée philosophique lié à l'érudition individuelle ou à la marque personnelle de tel ou tel auteur" (R. Habermas, Profils philosophiques et politiques, Tel/Gallimard, 1974 [édition allemande : 1971]p. 22). Je prendrais appui sur les remarques fondamentales que Jean-Toussain Desanti fait dans son livre Le philosophe et les pouvoirs. Ce qui est en question dans ce livre, c'est le rapport entre spécialiste de philosophie et "vulgaire". Le philosophe peut-il se réfugier dans sa tour d'ivoire lorsque le vulgaire lui demande des précisions sur la philosophie ? Desanti explique que le spécialiste de mathématiques, par exemple, peut toujours "envoyer balader" un vulgaire qui lui demanderait des comptes, en lui disant qu'il n'a qu'à apprendre les mathématiques. Le mathématicien peut toujours se comporter, dit-il, en barbare, cela n'aura aucun effet sur la "mathématicité" de son activité. Par contre le spécialiste de philosophie ne peut pas le faire sous peine de s'annihiler en tant que philosophe car faire de la philosophie cest adopter le logos, une attitude rationnelle, cest-à-dire ne pas faire la sourde oreille, ne pas répondre " cause toujours ", et toujours adresser un discours rationnel (logos) en retour. Le philosophe ne peut pas se comporter en barbare tout en restant philosophe. Cette attitude barbare nous semble être encouragée dans un système tel que le notre, où les philosophes sont des professionnels payés par létat avec les deniers publics. Il me semble que ça veut dire, pour ce qui nous intéresse ici, que dans une société telle que la notre, où les philosophes sont des professionnels payés par l'Etat avec les deniers publics, il est non seulement nécessaire que le vulgaire puisse lui demander des comptes, c'est-à-dire puisse au moins lui demander où il en est de ses recherches et de ses activités et pour qui il travaille, mais fondamental qu'il le fasse effectivement. N'est-ce pas un des aspects du mouvement des cafés-philo ? Que penser alors par exemple de l'attitude de Luc Ferry à l'émission Bouillon de Culture (12) lorsqu'il dit que n'importe qui ne peut pas être philosophe car il faut étudier longuement les textes philosophiques ? Pendant ce temps-là, qui a produit les biens pour satisfaire les besoins de notre philosophe ? N'est-ce pas les mêmes qu'il envoie balader parce qu'il n'ont pas le temps de lire les grands philosophes ? Allez proposons à Ferry de venir bosser en usine, dans les champs, ou même comme gratte papier dans une administration minable, et assurons-nous bien que le soir, les week-end et durant ses vacances, il lise la Critique de la raison pure ! Et pendant ce temps-là permettons à un vulgaire de prendre des vacances pour étudier la philosophie. N'est-il pas surprenant qu'il y ait des gens qui soient " doués " pour les maths, pour l'art, pour la plomberie ou pour le boursicotage ? Nest-il pas encore plus surprenant quil y en ait qui soient " doués " pour la philosophie et qui en deviennent des " spécialistes " ? Au fond peut-on vraiment parler sans rire de spécialistes de philosophie comme on parle des cordonniers comme spécialistes de cordonnerie ? Tout le monde nest-il pas capable de faire de la philosophie ? Daccord tout le monde nen fait pas, mais ne faudrait-il pas enfin sinterroger sur ce fait insensé : si tout le monde est capable de faire de la philosophie pourquoi tout le monde nen fait-il pas ? N'est-ce pas plutôt que, pour que tout le monde puisse pratiquer la philosophie, il faudrait que cela leur soit possible ? N'est-ce pas pour parler de cela que Jean-Luc Marion a été invité par Pivot dans cette même émission ? J'aurai bien aimé qu'il nous dise pourquoi seulement un petit nombre fait partie du "club des philosophes". Qu'ont-ils de plus que les autres ? Est-ce que c'est que le vulgaire ne se donne pas la peine de philosopher (13) ? Est-ce que c'est parce qu'il est naturellement non-philosophe ? En clair le vulgaire est-il plus bête ou plus fainéant que le philosophe ? Il faudrait être sourd pour ne pas savoir qu'en dehors des émission de télévision, les professeurs de philosophie critiquent les cafés-philo en disant que ce n'est pas de la philosophie. Pourquoi Alors Ferry et Marion ont-ils dit le contraire de ce qu'ils pensaient ? Pour au moins deux raisons je pense : de faire comme s'il n'y avait pas à en parler évitait subtilement le débat, mais surtout de s'interroger en direct sur la nature philosophique des débats au café leur évitait de s'interroger en direct sur la nature philosophique de la recherche en philosophie, de la faculté de philosophie et de l'enseignement de la philosophie. Car à part les actions de guérilla des philosophes des médias, les critiques de front des cafés-philo estampillées "profs de philo" sont portées par d'obscurs "seconds couteaux". Il faut s'appeler Guy Samama (14), ou Claude Courouve (15), pour oser se mouiller. Les courtisans comme Marion ou Ferry sont bien trop malins pour le faire eux-mêmes. Pourtant cette question est importante, ce qui a le label "philosophie" est-ce de la philosophie ? Il y a pourtant quelques faits troublants qui peuvent donner bonne conscience aux tenants de lélitisme en philosophie. Par exemple lorsque Marc Sautet est venu à Vouillé pour les journées " Philosophie pour tous " en 1995, il y avait plus de 100 personnes qui étaient venues l'écouter. L'année suivante durant la soirée consacrée aux cafés-philo, où il était annoncé mais où il n'a pas pu venir, il y avait 25 personnes. Guy Samama annoncé comme philosophe a attiré 75 personnes. Le café-philo de Poitiers dont les participants sont entre 25 et 30 personnes, a attiré au moins 120 personnes lors de la Nuit Philosophique consacrée à Descartes (6 novembre 1996) et au moins 150 lors de la seconde consacrée au Bonheur. Les gens semblent avoir besoin d'idoles, de directeurs de conscience sur lesquels ils peuvent se reposer, ce qui leur permet de rester passifs sans se poser de questions. Les gens ont besoin de réponses et demandent au philosophe ce qu'ils doivent faire et penser. Soit mais nest-ce pas à partir du moment où le philosophe répond dans le sens de leur demande quil n'est plus philosophe mais "gourou" ? Ainsi nous pouvons dire que le philosophe comme "spécialiste à qui on peut demander des conseils", qu'il soit professeur ou tête d'affiche médiatique, est une figure marquée par la structure hiérarchique et fondamentalement inégalitaire de notre société. Il prend place face à un supposé troupeau d'ignorants qui sont sous le pouvoir d'un petit nombre duquel le philosophe est l'allié objectif (le chien de garde) s'il collabore au lieu de dénoncer, s'il ne remet pas en question cet état de fait (Voir l'Allégorie de la Caverne, Platon, République, Livre VII). On peut même dire qu'il n'est "philosophe" que s'il ne collabore pas, s'il le fait il est "sophiste" "publicitaire" ou "démagogue". Le troupeau d'ignorants n'est-il pas dorénavant en mesure de pouvoir s'en passer car ne vient-on pas dans les cafés-philo pour participer et non pas pour écouter un spécialiste ? La seule réponse qui vaille de la part du vrai philosophe est celle qui inquiète le questionneur, dirait Jean-Toussain Desanti : "A mon sens être philosophe, c'est avant tout ne pas se contenter. C'est surtout ne pas se reposer dans la pure possession des formes de pensée philosophiques qui sont notre héritage. Se dire, au fond, que rien ne doit être possédé et que, si l'on dispose de ce qu'on appelle des données, un acquis culturel, on doit toujours les considérer comme disponibles, critiquables, et promis à la destruction. A mon sens, être philosophe, même à l'égard des sciences, consiste à introduire dans la bonne conscience du savoir l'inquiétude et la négation. Par conséquent, dès l'instant où il apparaît qu'on ne peut pas se reposer dans le savoir constitué et qu'il serait imprudent de s'en remettre à ceux qui savent, je dirais qu'il appartient à tout homme d'exercer, dès qu'il entre en révolte ou en contestation, la fonction philosophique". Je pense que les éclaircissements de Desanti, s'ils prennent appui sur la situation (nouée, dirait-il) de celui qui, vivant dans une société hiérarchisée, a suivi des études pour devenir philosophe professionnel et sera en contact avec des gens qui, subvenant à ses besoins, lui demanderont des comptes (16), laissent ouverte la possibilité d'une philosophie partagée par tout le monde : "je n'hésiterai pas pour ma part, à nommer "philosophe", d'où qu'il vienne, quiconque entreprend de briser l'effet de "retranchement", quiconque articule ses questions sur la demande qui surgit du fond de l'état de dépossession, quiconque en un mot ne se satisfait pas, quel que soit le discours entendu de la référence que ce discours institue en ses articulations canoniques. Persisterait alors et serait philosophe en ce monde séparé celui qui, méthodique et sans pitié, profanant les discours reçus, briserait, fût-ce en un seul lieu, l'unité pesante de ce qui sépare et exclut" (JT Desanti, Le philosophe et les pouvoirs, Calmann-Lévi, p. 72). La philosophie pratiquée dans les cafés-philo, au moins dans ceux que je connais, non seulement est en adéquation avec ce que Desanti en pense, mais permet de faire apparaître un aspect nouveau. Je pense qu'il se met en place dans les débats philosophiques de cafés un réel discours rationnel (logos) commun (collectif ou mieux " public ") qui a été appréhendé par opposition à l'opinion mais surtout par opposition à ce que les démagogues de Science-po essaient de fonder comme " opinion publique " (doxa). Cette constatation est venue à propos de la nécessité qui s'est faite sentir de répondre aux attaques dont étaient l'objet les cafés-philo de la part des professeurs de philosophie. Bien que ces attaques n'aient jamais été de front, il nous semblait, en lisant entre les lignes, qu'elles se réduisaient à l'objection suivante : le débat philosophique de café n'est pas philosophique car c'est un discours d'opinion, les moins extrémistes pouvaient ajouter qu'un discours d'opinion pouvait, quand même, être pré-philosophique. Nous avons distribué avec mon complice David Sawadogo, une lettre explicative de 3 pages, le jour de la remise des copies du bac 96, à tous, ou presque tous, les professeurs de philosophie de l'Académie de Poitiers. On a essayé de leur montrer que si on partait de leur objection, que les débats de café ne sont pas de la philosophie parce que ce sont des débats d'opinions, on était obligé de remettre en cause la nature philosophique des cours et des conférences de philosophie. Je peux même essayer d'aller plus loin aujourd'hui car je ne m'étais pas rendu compte que ce critère distinctif était, en fait, de circonstance. Car vue notre formation (maîtrise et doctorat), il était difficile de nous opposer l'autre argument qu'on oppose très souvent au débats de café : ce n'est pas philosophique parce que ce n'est pas mené par quelqu'un qui a une formation philosophique. D'autre part, vu le fait que nous sommes des maîtres auxiliaires et que nous avons enseigné pendant plusieurs années la philosophie et que nous étions et sommes toujours actuellement au chômage, il était difficile de nous opposer un troisième argument : ce n'est pas philosophique car ce n'est pas mené par quelqu'un qui a un concours administratif de philosophie (Capes ou Agrégation). Localement les tenants du "label philosophie" ont été obligés de s'en tenir à l'argument apparemment le plus fort mais qui allait facilement se retourner contre eux (17). Car si le café-philo est de l'ordre de l'opinion, il s'oppose au cours ou à la conférence de philosophie qui est de l'ordre de ce qui est, dans la tradition philosophique, opposé à l'opinion (doxa), à savoir le discours rationnel (logos) (18). Nous sommes proches en cela de ce que pense Eric Weil dans son livre Logique de la philosophie (19), lorsqu'il définit l'attitude philosophique par le dialogue ou le discours rationnel dans sa lutte contre l'attitude violente, l'opinion étant une forme particulière de cette attitude violente (20). Il est apparu alors, lorsqu'on a comparé les débats philosophiques de café avec d'autres pratiques similaires comme les conférences ou les cours de philosophie, que si les débats de café étaient rejetés dans l'opinion c'est en partie parce que les débatteurs de l'assistance n'ont ni formation ni surtout concours administratifs, en partie parce qu'il s'agissait de débats collectifs. Le logos est systématiquement préconçu comme discours personnel, individuel, la réflexion collective comme étant de l'ordre de l'opinion. Vue notre pratique de la philosophie et la production régulière de comptes-rendus des séances de débats philosophiques de café, nous avons pensé que malgré certaines imperfections, en particulier une impression immédiate de passer souvent "du coq à l'âne", imperfections qui sont dues en partie à notre maladresse, en partie au caractère particulier de cette pratique, il semblerait y avoir un discours ordonné collectif qui se mette en place dans les débats de café. Cette impression est de plus en plus confirmée avec l'expérience. Les participants habitués (dont les "animateurs" bien-sûr), ont fait de gros progrès dans la rigueur et dans la précision non seulement dans leur discours personnel, mais aussi dans leur façon de débattre collectivement. Ce n'est donc pas le concours qui fait le philosophe ! Ce n'est pas non plus la formation philosophique qui est déterminante pour que la pratique soit dite philosophique, puisqu'il s'agit d'abandonner l'attitude violente et adopter le discours rationnel (21). Il s'ensuit que nous avons peut-être affaire dans les débats philosophiques de café à la mise en place d'un discours rationnel collectif. Ceci n'a-t-il pas été rendu possible par le retrait du premier plan de l'animateur, par la dissolution de la tête d'affiche ? A la différence des cours et des conférences de philosophie et même des émissions de télévision sur la philosophie, les débats philosophiques de café et les cafés-philo n'ont pas besoin de têtes d'affiches ! C'est là que résident leur différence et leur force, c'est pour cela qu'il sont fondamentalement philosophiques. A partir d'octobre 1996 certains participants ont demandé qu'on puisse prolonger ces débats hebdomadaires par des lectures de textes philosophiques. Ce qui fût fait, Une fois par semaine, nous étions une dizaine à nous réunir pour étudier une série de textes philosophiques sur la mort. Nous avions déjà lu, les deux années précédentes, une uvre philosophique avec mes anciens élèves inscrits en fac de philosophie, la Monadologie de Leibniz et Protagoras de Platon. Le nouveauté était que si les étudiants en philosophie étaient toujours là, il y a avait aussi des étudiants dans d'autres disciplines et des non-étudiants. Il a fallu trouver la juste mesure pour accorder les participants. Si j'essaie le plus souvent de m'effacer dans l'animation du café-philo, il est très difficile et même pas souhaitable peut-être, de le faire pour les lectures d'uvres ou de textes philosophiques. Au fond la relation est plus proche de ce que j'ai vécu lorsque j'ai enseigné la philosophie en terminale. Comme l'expérience a été concluante, elle est reconduite cette année à partir de début octobre, le thème ou l'uvre sont à choisir entre ceux que proposeront les participants (22). A partir d'octobre 1996 encore, l'Association Dire-Lire de Saint-Maixent-l'Ecole (23) nous a contacté pour mettre ne place un café-philo mensuel (un vendredi à 20 h 30 par mois) d'abord à la Dent Creuse puis au Tilt Bar et maintenant au Café des Arts (24). Ce débat se déroule de la même façon que celui du Gil bar et réunit entre 40 et 50 personnes. La différence est peut-être dans la composition de l'assistance. Le Gil Bar étant dans une ville universitaire, l'assistance est surtout composée de jeunes étudiants, par contre à Saint-Maixent elle est composée de très jeunes, d'adolescents et de "personnes d'un certain âge". Aussi, et il semble que c'est une spécificité poitevine, l'assistance du Gil Bar est composée en partie par nos anciens élèves. Il faudrait pouvoir revenir sur la question locale. Pourquoi à Poitiers, qui compte 25000 étudiants pour 100 000 habitants, il n'y a que si peu de participants au débat philo ? Pourquoi lorsqu'on parle du café-philo autour de nous les gens sont vivement intéressés, disent qu'ils vont venir mais ne viennent jamais ? Est-ce si différent de ceux qui viennent une fois et ne reviennent plus ? Peut-être pas car on peut penser que, non seulement ceux qui viennent comme on va chez la voyante pour chercher des "réponses" sont déçus, mais de plus "perturbés", le débat philo ne donne pas des solutions toutes faites et, de plus, remet en question leurs certitudes, les rendant démunis avant qu'ils ne se trouvent plus légers. Nous avons eu durant quelque mois la présence d'un "dogmatique" qui devait certainement venir pour nous "sauver". Plus il venait et plus il était agressif car il perdait ses certitudes une à une. A la fin il a fait le mieux qu'il devait, il n'est plus revenu. Ne peut-on pas penser que ceux qui trouvent l'idée du débat intéressante, disent qu'ils viendront et ne viennent pas, savent intuitivement qu'il en sera ainsi pour eux ? A partir de janvier 1996 le besoin s'est fait sentir de prolonger les débats par des publications. Nous avons donc mis en place un magazine mensuel "l'Incendiaire". Il est constitué par :
Nous en étions en septembre 97 au septième numéro (20 pages, 10 F.) Mais comme nous étions dans la clandestinité vu qu'il n'était pas déposé légalement, nous recommençons au premier numéro à partir d'octobre 97 (avec une couverture couleur). Deux exigences s'imposent dorénavant à nous : comprendre l'idée de "journaliste philosophique" et comprendre comment et pourquoi ces activités se concilient avec les débats philosophiques de café. Pour ce qui du philo-journalisme, nous avons eu avec David SAWADOGO l'expérience fabuleuse de la "météorite" Socrate & C°. A partir d'avril 97 un des participants du débat du Gil Bar, Eric Geysen-Lachérade, a décidé de mettre en place un café-philo à Guéret. Celui-ci se tient dorénavant tous les premiers samedis du mois de 18 h 30 à 20 h 30 au café Le Pub 35 (25) et réunit entre 40 et 50 personnes. A partir de mai 97 de jeunes étudiants en philosophie de Poitiers ont créé Philosophie par tous, une association loi 1901, qui a pour but de développer la pratique de la philosophie dans le public, notamment en favorisant : * la mise en place de débats de philosophie dans des cafés ou dans d'autres lieux publics et privés. * la publication de documents écrits, en particulier de l'Incendiaire, qui devient le magazine de l'association. * l'organisation de manifestations et d'activités philosophiques en particulier des cours de philosophie pour lycéens et étudiants et pour adultes, des séances de lecture d'uvres philosophiques, des ateliers d'écriture et des consultations (26). Dans ce cadre-là, l'association à organisé un débat-philosophique ouvert à tous au café Le Mail aux Couronneries (27) le dimanche 15 juin de 11 h 00 à 13 h 00. Ce fût très intéressant car le lieu et l'heure sont propices. Il s'agit d'une salle entièrement vitrée, séparée du café, qui se trouve au bord des allés couvertes d'un centre commercial, le débat à lieu le jour du marché le plus important de Poitiers, si bien que, même si on est encore refermés sur nous-mêmes c'est un grand pas vers l'Agora ! Le rendez est devenu mensuel à partir du dernier dimanche de septembre (le dernier dimanche du mois de 11 heures à 13 heures). Puisque le café philo de Poitiers se vidait progressivement en fin dannée scolaire et que nous ne savions pas que cétait un phénomène normal qui se reproduit chaque année, nous avons pensé quil naurait peut-être pas davenir et nous avons décidé, puisque les poitevins nous boudaient, daller voir si le vaste monde était plus réceptif queux. Ainsi depuis le 28 août 1997 l'association et l'Incendiaire sont sur Internet, adresse : http://webhome.infonie.fr/jfchazer/ E-Mail : philopartous@infonie.fr On y trouve, bien-sûr, des informations sur lassociation, sur les activités que nous mettons en place et sur les cafés philo. LIncendiaire y est disponible en totalité. Nous avons tissé de nombreux liens, nationaux et internationaux, très intéressants aussi bien avec les autres cafés-philo qui sont sur Internet quavec les sites de philosophie qui sont en quasi totalité tenus par des enseignants. A ce jour 6800 personnes sont venues nous visiter. Dautre part, comme les potaches de terminale nous demandaient de laide pour leurs dissertations par e-mail, nous avons développé une page sur lenseignement de la philosophie dans laquelle se trouvent des conseils pour les travaux du Bac (dissertation et étude de texte) et une bibliographie de base pour les lycéens ou les débutants. Nous avons dautre part proposé des cyber-cours particuliers payants par e-mail (pour linstant nous en avons donné deux), et par le protocole IRC (Internet Relay Chat) qui permet un échange direct pour linstant seulement par écrit. Depuis la fin septembre il y a un club philo au collège de Latillé. Cette activité se déroule une heure par semaine, actuellement le jeudi de 13 à 14heures, et regroupe entre 5 et 15 élèves. Il ne s'agit pas d'un cours de philo mais bien d'une activité supplémentaire de débat philosophique. Elle n'est pas obligatoire et est basée sur le volontariat des élèves, c'est-à-dire que viennent ceux qui veulent, quand ils veulent. Ils peuvent même venir en milieu de séance mais ce n'est pas conseillé. Certains sont des habitués, d'autres viennent de temps en temps, d'autres encore ne sont venus qu'une seule fois. Ces débats philosophiques sont réservés, peut-être pour le moment, aux élèves de quatrième et de troisième. Ils ont été lancés à la suite d'un concours de circonstances. J'étais à Latillé l'année dernière et j'occupais la fonction de " Principal Adjoint " lorsque les étudiants en philo qui suivent les débats philosophiques des cafés de Poitiers ont monté leur association " Philosophie par Tous ". J'ai parlé à M. Fleurisson, le Principal du collège, de leur souhait de promouvoir la philosophie en particulier dans les établissements scolaires où elle n'était pas enseignée et, comme c'était le moment des demandes pour les ateliers de pratique artistique, il m'a proposé de commencer par Latillé et de lancer un club philo en collaboration avec Mme Ballaguy un professeur de Lettres du collège. Nous avons fait le projet et il a été accepté par la Mission Académique d'Action Culturelle. Il s'agit bien d'un atelier de pratique " artistique " car les activités à l'oral ou les activités philosophiques ne rentrent pas vraiment dans le cadre des ateliers de pratique scientifique. Elle ne rentrent pas plus dans le cadre des ateliers de pratique artistique car faire de la philosophie au collège, qui plus est à l'oral, est une réelle nouveauté. J'ai entendu dire qu'une telle activité n'existe que dans un autre collège, peut-être deux, en France. Nous n'avons pour l'instant pas d'information sur la façon d'opérer des autres et on peut dire que ce que nous faisons est expérimental. Il était pour nous impensable de faire un cours comme nous pouvions en faire en terminale car les méthodes traditionnelles de transmission de la philosophie semblent mal adaptées à la philosophie même, puisqu'elle exige de penser par soi-même. Le professeur ne peut pas penser à la place de l'élève. Comment faire alors pour que l'élève pense par lui-même compte-tenu du fait que tout ce qu'il appelle " pensée " n'en est peut-être pas ? Il y a peut-être d'autres voies que le cours à explorer pour arriver à ce résultat et je pense que le débat philosophique de café en est une. Surtout que nous avons affaire à des collégiens qui sont considérés comme trop jeunes pour avoir accès à la philosophie. Le problème n'est pas tant de faire de la philosophie mais de commencer à en faire, d'avoir envie de réfléchir par soi-même, de se poser des questions, c'est-à-dire de ne pas prendre tout comme ça vient, de vouloir se changer et changer les choses, bref de passer de l'état d'hétéronomie à celui d'autonomie. Pour y arriver il y a peut-être le débat philosophique dont les règles sont simples mais sont souvent difficiles à appliquer. Il suffit d'écouter celui qui parle et de chercher à lui répondre. Il s'agit d'argumenter et c'est comme cela qu'on commence à philosopher. Nous avons donc décidé de nous servir des éléments qui ont été définis lors des débats philosophiques de café de Poitiers et de Saint-Maixent que nous animons par ailleurs, mais nous avons vite touché certaines limites. Nous n'avons pas pu, comme dans les cafés-philo, choisir le sujet au début de chaque séance parmi les sujets proposés par les participants. Nous avons donc défini une liste de sujets à traiter afin que les participants puissent y réfléchir avant. Nous n'avons pas pu obtenir des sujets " philosophiques ", du type des sujets du bac sous forme de questions et nous avons commencé par partir de grands thèmes, le racisme, l'avortement etc. puis de l'actualité, le procès Papon, la violence en Algérie. Mais il aurait fallu que les élèves soient vraiment au courant de l'actualité et aient quelques idées précises sur les événements. Nous avons décidé alors de partir d'un dicton ou d'une citation pris sur une liste que nous avons élaborée tous ensemble. La semaine dernière nous avons traité " L'argent fait-il le bonheur ? ", la semaine prochaine nous traiterons " Est-il vrai qu'il n'y a pas d'amour heureux ? Cela permet aux élèves qui le souhaitent de chercher les sujets, de les remarquer lors de leurs lectures ou des circonstances de leurs activités et de nous les proposer régulièrement. Cela leur permet aussi de pouvoir réfléchir avant sur eux. Nous en sommes là. Ces sujets sont assez ouverts pour que chacun ait quelque chose à dire et à partager avec les autres et c'est très profitable à la fluidité du débat philosophique. Pari tenu donc. Si les élèves ne s'en désintéressent pas, et on fera pour pour que ça n'arrive pas, le club philo pourrait leur permettre de philosopher. Jean-François CHAZERANS Notes :
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